Le coyote se frotta les yeux. Les lumières, défilant le long des parois du tunnel, irritaient son cerveau fatigué. Plusieurs allers-retours, et autres escales avaient fait fondre son temps de sommeil comme neige au soleil. Il ouvrit à nouveau sa bouteille pour en boire le contenu, avant de réaliser qu'elle était déjà vide. Il la laissa tomber entre deux sièges, ou elle alla rejoindre deux de ses camarades. Petites bouteilles en plastiques, certit d'une étiquette rouge orné d'un grand cercle noir à moustache. Ici, tout portait sa marque. Les écrans de publicité, les transitions musicales entre les images, jusqu'aux généreuse courbe des présentatrice, tout habillées de noir, portant un pin's couleur local. Omniprésence qu'on finissait par ne plus remarquer, tant elle se fondait dans le décor, faisait le décor. Peut-être que ces couleurs gagnaient en force car ressortant sur les larges pans grisâtre. Pas une trace de végétation ici, pas une fenêtre, pas un toit sortant des nuances d'une teinte de plomb.

Le coyote n'était pas là pour ça. Il avait sur lui un contrat d'acquisition : Par le biais d'un associé, il avait compris que, cette fois, c'était l'Empire Eggman qui faisait appel à lui. Pas ses chefs, non, pas même ses Boss. Le coyote le savait : Il agirait par le biais d'un "proxy". Un proxy, quelqu'un qui voulait son matériel et ses services, ou peut-être son expertise, payé par l'Empire, afin de les fournir à un tiers. Peut-être, enjoindre une zone adverse à la rebéllion, en y poussant des mercenaires, ou appuyer une guérilla locale contre les fédérations unis. Ce n'était pas l'affaire d'Armadillio. Lui, devait rencontrer la personne bossant pour l'Empire, échanger avec, négocier un prix et un moyen de transaction.

De quelle information disposait-il ? On lui avait dit de se rendre au terminus de la ligne "SL4". S.L, comme Suprême Leader, en restant bien assis à tout les arrêts. Au terminus "toutes les informations seront données". Le coyote n'en savait pas plus. Il regarda autour de lui. Il était prêt à beaucoup pour fidéliser une des grande faction à ses services, gage de sécurité, contrastant avec des clients agités. Raison pour laquelle il avait voyagé en cale jusqu'à Robotropolis, n'avait pas dormi jusqu'à son arrivée, en partance de Westopolis, où il avait laissé la clé d'un appartement qu'il ne pouvait plus se payer. Retour aux hôtels, aux couchettes, qu'il n'avait jamais vraiment quitté.

Autour de lui, des mobiens. Beaucoup plus de mobiens que dans les centres des grandes cités humaine de l'ouest. Certains portant sur eux les marques de leur environnement. Une prédominance pour le noir et pour le silence. Seul se faisait entendre le bruit des rails défilantes sous eux.

Arrivé au terminus de la ligne SL4. Le coyote sorti du couloiren passant des portiques, faisant face à sa perplexité, et à des guichets automatique. Une place centrale en marbre sombre, poli, presque brillant à force d'être frotté par les robots d'entretien qui roulait de par et d'autre, boucle interminable évoquant l'orbite de corps célestes. Le coyote traversa la salle, au milieu de la foule en mouvement, ses habits habituels ne jurant guère avec celle-ci, les longues-oreilles étant légion.

Armadillio s'arrêta, repris son souffle et leva la tête. Au-dessus d'eux, un gigantesque emblème à l'effigie du docteur. Sans doute là pour remplacer un autre blason. Bien qu'il ne soit pas dépourvu de majesté mégalomane, ce n'est pas pour cela qu'il s'était arrêté. Il voulait imprimer sur son mouvement quelque chose de naturel, alors qu'en réalité, il observait les alentours, du coin de l'oeil. Quelqu'un attendait-il, ici, tel un îlot émergeant des flots de la population en mouvement ? La réponse était Non. Quelqu'un, semblait-il marcher non avec en tête un objectif précis, mais en le cherchant des yeux ? Difficile à dire. Il lui fallait faire un tour. Mais avant qu'il ait eut le temps de se remettre en marche, une voix métallique vint parler à son oreille, le faisant sursauter.

- Monsieur, avez-vous besoin d'une information ?

Il se retourna, pour voir un drone battant des ailes, l'aveuglant avec sa lampe, surmonté d'un écran présentant un plan du métro de Robotropolis.

- Je suis bien au terminus ?

- Vous êtes actuellement au terminus nord de la ligne SL4, station qui est également le terminus sud de la ligne SL5 et le terminus ouest de la station SL6. Où désirez-vous vous rendre ?

- Euh... Eh bien, je suis arrivé où je voulais. Merci.

- C'est un plaisir de vous aidez à optimiser vos temps de déplacement, n'hésitez pas à donner votre appréciation de nos service sur notre Dreamnet. Longue vie à l'Empire Eggman.

Le drone s'envola. Le coyote avait alors vu la silhouette, qui, à bien regardé, devait être celle d'une mobienne, équipé d'un casque. Celle-ci regardait aux alentours. Espèrant qu'il ne s'agissait pas d'une agent de police, Armadillio s'en approcha, avant de la dépasser. Arrivé à l'angle, juste avant l'entrée de la station SL5, il se retourna, appuyé contre le mur, et lui jeta un regard. Quelques mètres les séparaient encore.

- Bonjour...

Il cherchait une phrase neutre, afin de ne pas paraître soupçonneux en cas d'erreur.

- Je cherche quelqu'un.

Une voix féminine, dure, perçait au travers du casque, avec une absolue clareté. Le coyote hocha légèrement de la tête, les yeux fixé dans le lointain.

- Entendu.

Il réfléchit rapidement, se souvint de ce qu'il avait vu sur les plans, les panneaux. Sur les informations qu'on lui avait donné de Robotropolis.

- Un de mes associés, qui connaît le coin, m'a dit qu'il y avait peu d'endroit de ce style, à l'exception de l'Opéra Kintobor.

Il jeta à nouveau un coup d'oeil aux alentours, faisant mine de parler aux murs.

- Sur le balcon, il y aurait des cabines insonorisés, pas de micro, pas de caméra. Peu de gens le connaissent. ça vous dit ?... Je vais marcher dans sa direction. Si vous trouvez mieux, vous n'avez qu'à me passer devant, je vous suivrai. En attendant, suivez-moi.

Le coyote jeta un rapide coup d'oeil. Dans la vitre teintée protégeant les visières du casque de son interlocutrice, il n'y voyait que son propre reflet. Un rapide regard lui fit embrasser la forme de ses courbes, dans une tenue bleue aux allures presques royales. Ainsi, Robotropolis s'était-il soucié de s'approrier tout les fondements façonnant son passé, pour mieux le nier. Rien de bien nouveau à cela - mais peut-être cela lui sautait-il encore davantage aux yeux à lui, étranger à cet univers. D'un pas sûr, et sans se retourner, il traversa la salle en direction des escaliers d'accès, donnant sur la rue.

Cette rue n'était pas n'importe laquelle, il s'agissait d'une des artères principales. Le coyote fut temporairement ébloui par la lumière crûe de la fin de l'hiver, filtrant au travers de nuages gris. Difficile de savoir s'il s'agissait d'un cumulus ou d'un smog, tant les hautes tours, disparaissant dans ce brouillard, barrait l'horizon. Non loin de là, par-dessus les voitures aux trajectoires automatisées et sans chauffeurs, par-dessus les murs d'un entrepôt, se devinait les lignes, extravagantes et antidiluvienne du gigantesque Opéra, dont les pilliers de pierres, tachés de suie, résumaient à eux seuls la cruelle histoire de cette ville.

Et c'est sans y prêter attention que le coyote se dirigeait, suivit, pensait-il, de son interlocutrice, à distance raisonnable.

Armadillio marqua un léger arrêt devant la façade de l'édifice, avant de mettre sa capuche. Entourée de ses colonnes de pierres ouvragées, sur lequel reposait l'élégante couverture du toit, l'entrée donnait directement sur un très vaste couloir, sur les murs desquels des câbles électriques, sans doute nécessaire au maintien des installations qui y avaient pris place. L'interlocutrice, dont le coyote ignorait toujours le nom, passa devant lui, alors qu'il s'apprêtait à chercher dans ses poches. Cela s'avérait inutile : Quelle que fut le statut de son accompagnante, celui-ci avait le privilège d'un accès libre, gratuit, et sans questionnement.

Le robot fit un semblant de courbette, avant de leur ouvrir le portique. La  lumière rouge qui éclairait la caméra de sécurité, à l'entrée, s'étant temporairement éteinte. Le coyote suivit la silhouette, les mains dans les poches. Il admira discrètement les lustres en cristals suspendu au plafond, ainsi que la lumière que ceux-ci faisait rebondir sur le pantalon de l'agente, montant les escaliers en direction des balcons d'un pas impérial. Armadillio n'arrivait pas encore à en distinguer la race, ni à en tirer aucune information quant à son identité. Au mieux, savait-il que ses gestes étaient grâcieux.

Un grand panneau, à l'entrée de l'une des salles, faisait la promotion d'un "Opéra, proche du peuple, directement accessible par les lignes de métro" aux seuls fin de permettre au quidam "d'optimiser" son "temps de divertissement", et pourtant, il apparaissait de façon claire que cet espace était beaucoup plus exclusif. À la foule diverse emplissant les couloirs du métro d'un rideau de tenue semblable, s'était substitué des salles vides, emplies d'élégants individus, portant des costumes faisant état de leur fonction au sein du régime. Pour autant, pas de regard suspicieux : Ici aussi, les mobiens semblaient happés par leurs occupations, marchant ce même pas impérial, presque mécanique, aux trajectoires planifiées.

Armadillio suivit l'inconnue, dans les escaliers en colimaçons, de plus en plus étroit, menant aux balcons. Ils s'engoufrèrent dans la chaude obscurité de la salle. Une représentation avait lieu. Le coyote se frotta les yeux, les plissa pour ne pas être ébloui par le reflet des projecteurs. L'endroit était vaste, et de forme ovale, suivant les règles de l'accoustique. L'air était empli d'une musique classique laissant la part aux instruments à cordes. Tout ce que l'imaginaire de l'Opéra indiquait pour le trafiquant, qui n'était jamais entré dans aucun d'eux. Et pourtant... À bien y regarder, c'était des robots qui jouaient aux instrument, pilones gris aux gestes réglés. Seule la chanteuse, à la longue robe noir, présentait le visage d'un être biologique, de chaire et de plume - il s'agissait d'une flamand rose.

Le coyote suivit son interlocutrice jusqu'à la dernière cabine, dans laquelle celle-ci entra. Deux fauteuil s'y trouvait. Afin de faire baisser le bruit, le trafiquant tira le rideau de la cabine, ce qui les plongea dans une relative obscurité, que seul perçait les lignes lumineuses au-dessus et au-dessous du tissu. Il s'assit sur l'un des fauteuils.

- Voilà.

Se frottant les yeux, pour résister à la fatigue qui revenait à la charge dans un lieu aussi dépourvu du lumière, le coyote sortit le dossier qu'il portait sur lui, pour le poser sur ses genoux.

- Eh bien, dites-moi tout. Je crois savoir que "quelqu'un" a fait appel à moi, et je souhaiterais que... vous me disiez, pour quel matériel... Ou quel service.

Le coyote ouvrit son dossier, prêt à entendre la nature des sollicitations dont il avait fait l'objet. À entendre ce qui l'avait fait traverser plusieurs milliers de kilomètre, pour se retrouver face à cette mystérieuse mobienne casquée.

Donc, c'était bien d'elle qu'il s'agissait. Le coyote regarda le casque qui lui parlait, tentant de trouver le lieu où se cachait le regard de son interlocutrice, les mains jointes sur le dossier, posé sur son genoux. Impassible, il hochait de la tête, se demandant de quel "objectif" ce mystérieux "supérieur" s'était entiché. Armadillio était commun des principes hiérarchiques : Il supposait donc que la Proxy tenait ses ordres d'un intermédiaire, un Egg-boss, peut-être bien. Il en arrivait à cette conclusion, et ce, bien qu'il n'ait aucun élément en sa possession pour le prouver.

- Dites-moi tout...

Les yeux dans les yeux, il la regarda du coin de l'oeil sortir ses documents. Il se pencha sur la table.

- Je peux ?

Ses mains gantés prirent lentement, maladroitement, deux des photos, qu'il leva, afin de les regarder à la lumière des reflets que laissait passer le rideau de la cabine. Des clichés au trait assez grossier, peut-être prise par un drone utilisant un important zoom, focalisé sur ce qu'il avait focalisé comme étant des silhouettes mobiennes.

- Ah. Des Freedom Fighter...?

La proxy reprit la parole, répondant indirectement à plusieurs de ses questions. Le coyote plissa des yeux, pour distinguer les fusils que les mobiens tenaient en mains. D'assez gros appareils, qui ne pouvait pas passer inaperçu. Certaines photo, du fait des éclats d'énergies, apparaissaient comme encore plus floues. Le coyote se gratta le museau.

- Étonnant...

Il n'ajouta pas de "j'en ai déjà entendu parler". L'expression eut été ambigüe : De fait, il n'avait jamais vu ce type d'appareil de ses propres yeux. Mais, en y réfléchissant bien, il lui semblait qu'on lui avait déjà fait part de l'existence d'arme utilisant de "l'énergie", une autre forme d'énergie. Là, ce n'était plus exclusivement des plaques de tôle et de l'acier, ni du plomb, ses matières de prédilections, mais des équipements embarquant de la haute technologie. Il avait un nom. Il n'arrivait plus à remettre le doigt dessus. Il reposa les photo sur la tables.

- Dans le sens où cela me surprend que des types qui vivent dans des arbres et se chauffe au feu de bois ait accès à un tel matériel. Cela leur a sans doute été fournis par une faction bélligérante disposant de plus de moyens...

Le nom lui revint brusquement en tête. Nathan Aubra. On lui avait dit qu'Aubra Industries faisait des recherches sur des appareils de ce type. Avaient-ils dépassés les phases de test ? Ou étaient-ils testé sur les unité impériales ? Il ne pouvait rien prouver. Son interlocutrice, comme tout les gens sérieux, n'aurait que faire d'une rumeur. Les traits de son visages restèrent impassibles.

- Une première étape pour me rapprocher de ces unités... Si je comprend bien, vos Egg-Boss ont prévu de me faire passer pour un fournisseur de ressources ?

Le coyote posa ses mains sur les accoudoirs du fauteuil.

- Pour répondre à votre question, c'est faisable. Je veux juste savoir si vous me proposez une couverture, ou si je dois l'improviser. Et la façon dont vous penser extraire les équipements, si, du moins, vous avez déjà prévu une procédure.

Il tapota sur son dossier, qui resterait tristement fermé : Sans surprise, la Proxy n'en avait que faire de ses armements classiques. Il n'allait pas tout de suite aborder son tarif. Il devait savoir combien l'opération dans lequel on le lançait pouvait lui coûter.

Le coyote écouta. Il cligna des yeux.

- Deux agents... Sous ma direction, je devine...

Ainsi, la Proxy lui proposait un plan clé en main. Un modèle-type, avec des étapes déjà décrite. Phase 1, entrer, phase 2, interchanger, phase 3, décoller. Peut-être n'était-il pas le premier qu'on envoyait de l'autre côté de cette ligne. Mission dangereuse, les Freedom Fighters étaient sur les dents, et ne tolérerait sans doute pas une extorsion de ce type. Quel était la plus-value qu'on attendait de lui ? Qu'il dirige les agents... Peut-être, mais, surtout, qu'il fasse bénéficier de son réseau l'envoyé de l'Empire - la seule chose qui le distinguait d'un agent armé et entraîné à la même valeur que lui.

C'était à la fois sa qualité et son défaut. Car certains de ces guérilleros le connaissaient, ils avaient déjà vu son visage, ou rapporté son apparence à leurs supérieurs. Comment retourner la chose à son avantage ?

- Le plan a l'avantage de la clareté.

Le coyote réfléchissait. Que l'Empire le sache ou non, la guérilla n'était pas lié en un bloc homogène. Tout comme certains Egg-Boss faisaient valoir leurs intérêts à la marge de l'Empire, la Résistance était fracturé selon plusieurs tendances. Il se souvint de cette personne, une mobienne chat, qu'il avait connu lorsqu'il leur avait fournis des mortiers. Elle lui avait très bien expliqué les luttes d'influences. Aux brassards jaunes que portaient les résistants sur la photo, Armadillio savaient qu'ils s'agissaient d'un groupe périphérique. De loin, pas le corps principal de la résistance.

- Je pense que je peux m'arranger avec ceux que je connais sur place. Déjà, pour connaître l'origine de ses armements, quel groupe les utilise. Je pense que la récolte de ces informations sera nécessaire... Avez-vous les coordonnées auxquelles ont été pris ces clichés ? dit-il en lui tendant les photos.

Il tapota sur son dossier.

- De là, il serait possible de faire passer ça pour un différent groupusculaire, ou un vol crapuleux, afin que les combattants ignorent que vos supérieurs ont un coup d'avance. Vous comprenez, tout ces groupes ont besoin d'argent. Certes, ils ne l'accepteraient pas de la part d'une personne dans laquelle il n'aurait pas confiance. Mais je suis ce type de personne.

Il lui fallait, cependant, agir intelligemment. Il suffisait d'un témoin, et plus jamais il ne pourrait traverser les lignes de la guérilla avec sérénité.

- Puis-je en savoir plus sur ceux qui m'accompagneront ?

- Adabat ? Très bien.

Le coyote réfléchit, se souvint de cette zone, tropical, au-delà des grandes forêts entourant la frontière sud de Robotropolis, regroupant traditionnellement les différents groupes affiliés aux combattants de la liberté. Adabat, c'était bien plus loin. Un environnement bien davantage hostile aux troupes impériales. Moins de routes, moins de voies. D'autres types de combattants. Des feux de forêts. Une ville, certes, mais un ilôt gris sur une carte aux zone hachurées, floues, incertaines, menaçantes.

Le fait de ne pas en savoir plus sur ces deux agents ne l'enchantait guère. Aucune information quant à leur profil ? Quoiqu'il en soit, ils avaient intérêts à suivre ses ordres. Armadillio n'avait aucune envie de finir dans une geôle adabienne, les mal-nommés "Hotels". Il n'en laissa rien paraître, se grattant la barbe.

- Concernant le payement de l'opération, je suppose que vous avez prévu la chose. À Adabat, tout s'achète, mais il faut l'argent pour cela. Arroser le garde-frontière, les éventuels guérilleros qui, contrôlant notre véhicule, jugerait qu'il mérite quelques inspections à leur base... Une sécurité.

Le coyote tapota sur son dossier, fouilla un peu, avant de sortir une feuille contenant une très longue adresse, faites de lettres et de chiffres, pour la poser sur la table, à l'adresse de la Proxy.

- C'est... l'adresse de mon porte-feuille. Je sais que vous autres êtes assez versé dans cette technologie. À moins que vous n'ayez du liquide, je refuse d'être payé avec du rings scriptural. Trop facile à tracer, j'en ai déjà fait les frais, une fois. Une fois de trop. Raison pour laquelle je vous demande de me payer en CR.

Le coyote sorti son portable.

- Des CR, des Crypto-Rings. Impossible à tracer. Le seul soucis étant son cours extrêmement fluctuant. Je vous propose mon prix : 3,05 CR.

Derrière le rideau, l'opéra continuait. Un chant aigu, presque un cri. Gare donc, de ne pas s'y méprendre : Il s'agissait d'un art. Armadillio pariait sur cette somme, estimation rapide de ce que coûtait en général ce type d'opération, et susceptible de combler le compte bancaire négatif qu'il avait commencé à creuser comme on creuse sa tombe - en tout cas, celle de son activité professionnelle. Il regardait les yeux invisibles de la Proxy, celle dont il ne verrait pas le visage, ni les commanditaires, et dont il avait pourtant, dans cette salle sombre, beaucoup à espérer.

Le coyote eut un sourire réservé à l'évocation de la récompense.

- Je me suis permis de l'inclure dans le prix : 3,05, 3 pour les frais de travaux, 0,5 en terme de bénéfice général, qui seront reversés après la tâche accomplie. Tout est noté à l'adresse dite.

Il lissa le tissu de son pantalon et repris son dossier.

- J'ai choisi le Crypto-Rings pour son intraçabilité, mais aussi pour son prix sur le marché actuel... Hélas, ce n'est pas une monnaie stable. Ce qui fais que, si je traîne, la récompense pourrait être réduite à peau de chagrin, du fait des fluctuation de ce marché. Autrement dit, mon temps est compté.

Armadillio allait se lever. Puis en réfléchissant, trouva que sa formulation pouvait être vu comme un peu trop sèche. Il reprit, les mains sur les jambes :

- Bien sûr, je peux déjà me considérer comme heureux que nos échanges se soient avérés fructueux. Et j'espère que vous pourrez faire à nouveau appel à mes services - vous et vos supérieurs, que je salue.

Il lui semblait difficile à croire que l'Empire ait fait appel à lui. Il avait encore le jeu de carte en tête. Mais les récents événements les avaient peut-être poussé à réviser leurs jugements. En effet, quoique sa réputation fut importante dans le milieu, l'Empire fut la première parmi les grandes factions a faire appel à ses services, là où le G.U.N s'était contenté de le poursuivre, et là où les combattants de la liberté...

Il réfléchit.

Les combattants avaient la foi. Là où les deux factions dirigées par des hommes et des machines avaient derrière elle des complexes militaro-industriels collossaux, les combattants mobiens leur opposaient la foi. Il y avait des amis, des relations, des associés. Travailler pour l'Empire, c'était trahir leur confiance. Les combattants, ceux qu'il avait croisé, du moins, avaient jusqu'à présent eut foi en lui.

Mais ils payaient mal.

- Si vous avez une date et un lieu de rencontre à Adabat, je serai preneur. À moins que vous décidiez de me le communiquer plus tard, selon vos obligations. Le plus tôt sera le mieux : Mon urgence est la vôtre, de voir cette affaire réglée.

Le coyote hocha la tête. Plus qu'avoir l'air sûr de soi, il s'agissait de l'être. Il serra fermement la main qui lui était tendu, consacrant le fait qu'ils s'étaient tout dit. Il se leva pour prendre congé de son interlocutrice, jeta un oeil au travers des deux pans du rideau de la cabine, le leva avant de sortir, sans presser le pas. S'il avait sous la main un papier, ou un quelconque crayon, il aurait bien volontier pris note de ce qui lui restait à présent à faire. De tout cela, conclure un accord avec l'Empire, quelque soit le niveau hiérarchique dont émanait la jeune mobienne, n'était pas la partie la plus aisée.

Il descendit les escaliers, ne se retournant qu'une fois, et pour remettre sa capuche en place. Il supposait que les caméras étaient toujours coupées, mais n'en avait pas la certitude. Quand bien même l'oeil se trouvant au bout de tout les canaux d'information répondaient aux ordres du chef de la nation, il n'avait pas la moindre certitude quant à la "légalité" de ses actes. Non parce que les opérations noires n'étaient pas couvertes par les gouvernement, mais parce qu'il avait quelques doutes quant à la rationnalité des actes des agents de l'Empire.

Quelques mois plus tôt, il aurait sans doute cru à la pérennité de l'échange commercial, obligeant toutes les partis à faire du vendeur un roi. Mais sa traversée du désert l'avait enseigné sur les mécanismes que les échanges gardaient dans l'ombre. "n'attendez pas pour autant à recevoir des fleurs. Après tout, vous savez certainement comment fonctionne l'Empire." L'information lui était sympathique, bien qu'il ne sache pas à quoi ressemble un bouquet. Non, ce qui se cachait derrière cette précision, en apparence anodine, c'était l'état d'esprit de l'Empire, la problématique qui le rendait imprévisible. En fait, à réclamer sèchement l'optimisation de tout les aspects de l'existence, celui-ci prétendait se défaire de ce qui formait le ciment des relations à la surface de cette planète : L'À-peu-près, l'arrangement subtil, la nuance des à-côtés - c'était une prétention, car ceux-ci continuait d'exister. Mais, précisément parce qu'il s'agissait d'une prétention, les multiples cheffailles finissaient par la revendiquer de manière aléatoire.

Ainsi, si la Proxy de l'Empire faisait appel à un membre de la pègre pour lui ramener des informations et du matériel, rien n'indiquait qu'en fin de parcours, "l'optimisation" de cette relation ne débouche sur l'exécution du coyote. Car l'Empire "ne travaillait pas avec les criminels", revendication dont il était aisé d'oublier l'existence lorsque la nécessité s'en faisait sentir avant la transaction. Cet écart, lourd de conséquence, était ce qui rendait la majorité des Egg-Boss complètement incontrôlables en affaires : Le doube standard de la dictature, bien différent de celui des démocraties.

Il fallait donc une excellente raison pour traiter avec eux. Quelle était celle du coyote ? Diversifier la clientèle, à tout prix. Tenter de survivre sur un marché qui avait complètement changé, pendant son absence.

- Pardonnez-moi.

Armadillio leva les yeux, pour regarder droit dans l'écran du bras mécanique, fixé au plafond, qui lui parlait.

- Oui...?

- Le fait de rester debout va vous fatiguer inutilement, alors que la journée de travail est longue. La place... à-droite... au-bout-nord-de-la-rame...2... Est libre. Nous vous recommandons de vous asseoir.

Le coyote hocha de la tête, sans bouger. Le bras mécanique ressorti d'autres formule de politesse, avant de renoncer et de se replier. Le métro remplit de silhouette noires se remit en route, à la seconde près.